Les journées se rafraîchissaient,
Lucien n'attendit pas un instant pour exiger le pantalon. bien que la
température restait suffisamment douce.
Ses quelques paires, je les gardais
dans mon armoire, elles lui étaient réservées pour la saison
hivernale, pas avant.
Son ton provocateur m'irrita, mais je
préférais avaler cette épine et répondre à sa demande d'être
vêtu plus chaudement. Lucien enviait son frère que je ne
contraignais pas au port systématique de la culotte courte ou du
bermuda.
Il était hors de question que je cède
au chantage du morveux, une inflexion de ma part et il me mangerait
crue.
Je trouvais vite une réponse à mon
dilemme dans l'armoire de Christine.
Je revins vers Lucien. Dans leur
chambre, les deux garçons se préparaient pour aller à l'école, et
Lucien attendait son pantalon.
Je lui tendis un collant chair qui
s'ajusterait parfaitement à sa taille. Il ne savait pas très bien
ce que je lui donne, je précisais :
« Tu mets les collants Lucien. »
Il venait de comprendre qu'il n'aurait
pas gain de cause sur les culottes courtes. Comme par magie, la
température venait de remonter, maintenant Lucien disait qu'il ne
faisait pas si froid, il promit de ne pas rechigner à mettre son
bermuda.
Encore une fois il voulait me prendre
pour une conne, je sortis de la chambre en lui rappelant que je ne
répéterais pas deux fois.
Lucien arriva au salon pour le petit
déjeuner, d'un regard accusateur je fis l'inventaire de sa tenue de
la tête aux pieds. Chemise, gilet, bermuda, les chaussettes tendues
au dessus des chevilles et les chaussons. Mon regard resta un moment
sur ses jambes, puis remonta sur son visage avec l'expression de dire
qu'il se foutait de ma gueule. Dès qu'il me vit d'un pas décisif
prendre la direction de la chambre de sa mère, il fila droit dans sa
chambre parfaire au manquement dont il était question. La
perspective d'avoir à déglutir durant le chemin de l'école le
réjouissait encore moins.
La ceinture enroulée à la main, prête
à l'usage, j'arrivais à vive allure dans la chambre où le
processus en était à enfiler un pieds. La ceinture cingla le rythme
jusqu'à ce que les collants soient impeccablement tendus au dessus
des fesses.
Cette remise au pas lui avait juste
laissé le temps de débarrasser la table après le petit déjeuner.
Lucien avait reçu de quoi déglutir
jusqu'à son arrivée en classe.
Aux portes de l'école je lui annonçais
qu'à son retour à la maison on allait parler discipline, la
ceinture l'attendait. Cette remarque avait juste pour objet de porter
d'avantage attention à son attitude.
Des collants je lui en avais acheté,
de quoi en porter tous les jours, des gris en coton mélangé,
marrons et blancs en laine, des opaques marines en nylon, et quelques
chair qu'il pouvait porter avec des chaussettes. Il en avait un rouge
opaque que j'utilisais pour éprouver son obéissance quand elle
était remise en question.
Les collants étaient placés dans mon
armoire, et j'avais appris à Lucien de venir me les demander, comme
si il s'agissait d'un objet désiré.
« Je peu avoir un collant
Cécile ? »
La tenue ne manquait pas de lui
inspirer la timidité et la modestie, j'en étais satisfaite. Je fit
part de ses vertus à Christine. Ma tante considéra la tenue très
convenable pour un garçon de l'âge de Lucien. Elle me conseilla de
l'appliquer à Jérôme pour plus de parité et surtout, pour
prévenir la naissance d'un mauvais caractère.
La parité, je n'y tenais pas
spécialement.
Pour Jérôme, les collants, c'était
exclusivement en coton et en laine, les pantalons trois quart, et les
bermudas quand sa mère venait.
Jérôme s'irritait contre la volonté
maternelle quand je lui rappelais :
« Jérôme, tu sais ce qu'a dit
ta mère, tu mets tes collants. »
La ceinture resta un long moment rangée
dans l'armoire, Lucien en avait peur comme de la peste.
Au moindre mécontentement que
j'exprimais par :
« Lucien ! », il se
reprenait, la mauvaise humeur passait de suite, la protestation était
ravalée sans qu'on eu à en entre un mot.
Ma tante Christine avait rencontré un
homme, un client régulier de l'hôtel, moitié bavarois, moitié
autrichien, Ulrich.
Il vint passer quelques jours chez ma
tante.
La cinquantaine bien passée, ventru,
le crâne rasé cachait sa calvitie, souriant, son assurance lui
donnait un coté désinvolte.
Quand à ce qu'il racontait, pour moi
c'était du fantastique, mais comme j'avais envie d'y croire, je
gobais tout. Le pic du programme c'était le yacht de vingt cinq
mètre dans l'Adriatique, et je savais même pas où c'est,
l'Adriatique.
Originaire de Munich, où il avait son
pieds à terre principal, il avait voyagé un peu partout.
A travers ses récits je voyageais dans
ma tête, Londres, New York, Rome, Tokyo, et même la Corée du Nord
qu'il avait décrit comme l'endroit le plus triste de la planète.
Ses affaires, c'était la commerce
d'oeuvres d'art, et visiblement pas des moindres, j'avais entendu
« Picasso » dans ses discours, pour le reste, je
connaissais pas.
Encore une vanité qu'il m'a fallut
entendre, c'était que son père lui avait dit de toujours acheter
Mercedes comme voiture, et depuis qu'il était étudiant il n'avait
que cette marque.
Lui aussi était divorcé, père de
famille, il avait trois enfants déjà adultes.
Moi, je l'amusais, je lui rappelais une
cousine, qu'il avait dépeint comme psychorigide. Il avoua l'avoir
beaucoup molesté psychologiquement, mais sans succès, c'était un
cas désespéré.
Il s'amusait à me lancer des pics,
avec son accent deutch, il me déstabilisait dans mes convictions
qu'il considérait comme des foutaises de prolo.
Là dessus, il était catégorique, le
monde se divisait en deux catégories, ceux qui profitent de la vie
et ceux qui baissent leur froc.
A chaque fois qu'il venait voir sa
chérie, ma tante, c'était le lavage de cerveaux, et la Mercedes
dernier modèle de l'époque était pour moi un gage de confiance.
Je commençais à douter, de plus en
plus, Ulrich avait certainement raison et moi j'étais une conne, une
gamine qui devait encore faire ses classes, mais qu'est ce que je
pouvais y faire, dans ma condition on ne pouvait que rester une
conne.
Ulrich appréciait peu mon autorité
sur les enfants, il fallait arrêter le massacre, et au plus vite.
Il était prévu pour ma tante d'aller
vivre à Munich et de me soustraire à mes obligations.
Je m'en faisais un sombre tableau,
aller vivre à nouveau chez ma mère ne m'enthousiasmait guère.
Pour plaire, j'avais mis du leste dans
l'éducation, mais ça ne changerait rien, j'allais prendre congé de
mes services.
Ulrich me demanda si j'avais d'autres
ambitions que les ménages et la baby sitting, peut être avais je
envie d'étudier, comme c'était le cas pour les filles de mon âge.
J'étais honteuse de répondre que je
n'avais même pas passé le brevet.
Ulrich me sourit et me demanda à
nouveau de répondre à sa question, avais je envie de faire des
études.
La réponse fut oui, suivie des
questions comment et quoi.
Ulrich me suggéra le graphisme,
c'était, à sa connaissance, un milieu où l'on n'était pas très
regardant sur les diplômes. Il affirma que je pourrais travailler
dans la pub, un endroit rempli de démagos et d'imbéciles, ça
allait me plaire.
La seule condition était que j'ai le
courage d'apprendre, je confirmais.
La question du comment me restait
toujours obscure.
Ces promesses était une vague lueur
d'espoir, et je m'attachais au peu qu'on m'en ai dit, tête basse, je
rentrais vivre chez ma mère.