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dimanche 26 juin 2011

7_Inflexion



"Cécile ! Tu vas où comme ça ?!"
"Les mocassins c'est pour sortir, c'est pas pour aller à l'école."
"Tu mets les sabots, et vite !", des vieux sabots de jardin en caoutchouc, marron foncés, ceux que portait Madame Lambrin quand elle jardinait.
Ma mère ôtait de mes tenues tout avantage de plaire, ma coiffure n'avait pas changé depuis l'enfance, une coupe au bol avec une frange courte, elle me taillait régulièrement les cheveux. Mon visage rond, mes grands yeux convenaient à une chevelure plus longue, là je ressemblais à une idiote.
Les moindres remarques de ma mère me rappelaient la douloureuse discipline, je m'imaginais déjà mon audace sévèrement punie, j'enfilais mes sabots dans l'espoir que la colère s'apaise. Ce n'est qu'après avoir franchi le pas de la porte que ma tension décru. Ma mère n'avait cessé de me harceler jusqu'à ce que je sorte, "C'est pour montrer quoi que tu as mi les mocassins Cécile ? C'était pour faire ta dame ?!".
"Tu vas à l'école Cécile, c'est pas le cabaret !", "Tu t'habilles pour te vêtir, pas pour faire ton intéressante !".
"On en reparlera ce soir Cécile," Cette dernière phrase me mis en doute toute la journée, rentrée de l'école j'attendais le retour de ma mère l'estomac serré.
Elle montait, j'entendais ses pas dans l'escalier.
Elle vérifia le repassage sans un  mot sur l'incident du matin.
Il étais près de 20h30, la fin des nouvelles à la télé, que j'entendais partiellement de la chambre de ma mère, affairée à repiquer mon héritage légué par madame Lambrin. Ma mère m'avait fait remonter de la cave un sac de collants dont je devais vérifier l'état et rafistoler au besoin. Je venais de retoucher plus d'une vingtaine de paires, elle me les fit essayer une par une. Soigneusement elle mit de côté les noir en disant que j'étais trop jeune pour en porter. Le noir était exclu de ma garde robe. Malgré mes soin, deux paires venaient de craquer alors que je les enfilais, sur ce, je croisais le regard terrible de ma mère, pas besoin qu'elle ouvre la bouche pour me faire comprendre les reproches. elle vérifiait le travail une fois vêtue en passant son doigt sur les coutures. "Approches, marches, tournes toi, ..." , autant de commandes qui me mettaient au pas sans discuter. Les collants qui venaient de filer durant l'essayage devaient être recousus le soir même, le tout lavé à la main et étendu sur le séchoir, mes corvées journalières ne laissaient pas de répit avant onze heure du soir.
Dès que j'eus fini, le ton gronda :"On reparlera des mocassins demain, après l'école, il est tard." Je blêmis, j'allais me coucher avec cette sentence en sursis,encore de quoi rentrer le lendemain à la maison avec l'estomac serré, les jambes en coton, le souvenir de la douleur, plus que la peur, me faisait monter les larmes. Le pardon n'existait pas ici, elle allait me punir, j'en étais certaine, quand elle avait à me parler c'était avec la discipline.
Le surlendemain j'entendis à nouveau :
"Cécile", je venais me présenter au salon devant ma mère assise dans le fauteuil, droite, les jambes croisées.
"Il faut qu'on discute." Le ton était rude.
"Tu mets tes mocassins et tu reviens me voir."
Je ravalais ma salive. Je revins au salon, chaussée de mes mocassin blancs vernis avec un talon bas, carré, présentant élégamment le dessus des pieds découverts. C'était ma tante Josiane qui me les avait apporté. C'était mes plus belles chaussures. Je n'étais plus fière de les porter en cette circonstance.
"Tu veux faire ta prétentieuse à l'école maintenant ?!"
"Non Maman,..." c'est tout ce que je sus répondre.
"Tu crois que c'est pour faire la garce qu'on va en cours ?!" Je retenais les larmes.
J'étais la pire des pires, à chaque remarque ma mère m'incitait d'avantage à accepter la punition comme juste.
"Tu sais ce que tu mérites ? Tu vas pas faire ta fière longtemps avec moi !" Des larmes coulaient sur mes joues, Les haussements de voix annonçaient une rétribution sévère, les "je le referais plus maman" étaient soldés par "tu m'as déjà dis ça".
La sentence tomba :
"Tu vas chercher le câble !" j'explosais en pleurs, je balbutiais des supplications.
"Vite ! Je ne veux pas t'entendre !". Dans mes râles, je me précipitais à la cave pour ramener cette crainte si longtemps occultée.
Ma mère était restée assise sur le bord du fauteuil. "Tournes toi." Me dit elle. Debout, je lui faisais dos.
Sur ordre de ma mère, je tenais crispée ma blouse aux dessus des genoux. Sans aucune retenue, elle cingla mes mollets, je tapais des pieds sur le tapis, les coups brûlaient mes chairs, je ne tenais plus.
 En râle, le visage tendu je me tournais face à ma mère. Suffocante je reprenais mon souffle pour prononcer que je ne tenais plus.
"Cécile !", ma mère me fixait de son regard terrible.
Dans la plus grande humilité :
"J'en peu plus maman, ça fait trop mal .."
Dans un calme glacial ma mère répondit :
"On va voir quand ton père va rentrer si tu continue ton cirque."
"Non !", je me remettais en place, pas nue devant mon père, pas avec le câble. Aucun liens n'égalait cette peur. A genoux je suppliais ma mère de continuer, j'en pleurais à ces pieds.
Elle céda et je me remis en position.
J'hurlais et je courrais sur place.
Sans manquer de la remercier pour son indulgence je retournais à mes tâches.
Peu après son retour, mon père vint me voir dans la chambre de ma mère où je rangeait du linge, il me saisit par les cheveux courts derrière la nuque et colla mon visage au mur.
"Tu as encore fais l'idiote ! C'est la dernière fois que j'entends que tu contraries ta mère !
La prochaine fois c'est moi qui vais te le donner le câble, tu vas le sentir !", ça et d'autres paroles accablantes soulevaient des pulsations de mon coeur que je sentais battre.
Je ne pouvais plus regarder mes mocassin blancs sans repenser aux coups et à l'humiliation. Je ne voulais plus les mettre, j'en avais horreur.